C’est tout d’abord un jeune, mineur, en confiance avec un éducateur, qui parle de violences policières pendant sa garde à vue, qui laisse entendre que cela a touché d’autres jeunes aussi. L'Association a déjà travaillé sur les contrôles au faciès, sur les contrôles violents, et avait établi des discussions avec le commissariat, mais il s'agissait de violences dans l'espace public. La parole des jeunes s’est progressivement déliée, jusqu’à ce qu’ils acceptent de parler de ce qu’ils subissaient, d’abord aux éducateurs, puis à d’autres associations, spécialisées, qui ont fait intervenir des avocats qui accompagnent aujourd’hui la plainte de 18 jeunes pour « violences volontaires aggravées », « agression sexuelle aggravée », « discrimination », « abus d’autorité » (termes utilisés dans plusieurs journaux nationaux dont Le Monde dans un article 18.12.15, ainsi que dans l’article Médiapart et dans certains journaux télévisés). Un long travail a été fait en amont par l’équipe éducative, pour recouper les paroles des jeunes devant des faits aussi graves, pour amener les parents de ces mineurs à accueillir les propos de leurs adolescents, pour donner aux jeunes assez confiance en la justice pour porter plainte. Des actions très concrètes ont été mises en œuvre pour l’accompagnement de ces situations : 5 séances d’ateliers d’écriture animées par un journaliste et les éducateurs pour une vingtaine de jeunes ont eu lieu, un court métrage sur le thème du « Mieux vivre ensemble » en cours de finalisation, des expos/débats interactifs se sont déroulés en partenariat avec des associations locales et nationales, 2 séjours permettant l’expression des jeunes et un travail éducatif autour des comportements citoyens ont été mis en place, tout comme des séminaires et rencontres « Européennes » axées sur les relations jeunes/police en Angleterre, Pays-Bas et Espagne. L’association a également mis en œuvre des rencontres informelles avec des adultes du quartier et les associations sur le thème de la discrimination (relais par jeunes majeurs en tant que leader positif). Enfin, l’accompagnement des jeunes et des familles par des avocats spécialistes et les éducateurs de l’association Soleil (informations sur l’accès aux droits et à la défense des victimes) se poursuit, pour chaque jeune, qui se construit malgré les séquelles de ces agissements. La peur des représailles, dont certaines ont déjà été dénoncées par les jeunes, est entendue et travaillée.
Sans présumer des décisions de la justice sur cette affaire, il s’agit avant tout, ici, de tenter de montrer l’importance de la relation de confiance entre les éducateurs et les jeunes auprès desquels ils travaillent, l’importance que cette confiance ne soit pas trahie, pour amener, avec du temps, les jeunes à « tenter de nouveau le droit commun », à ne pas se résigner, à ne plus subir violences, discriminations, échecs aussi. Les équipes tissent des liens avec ces jeunes, mais aussi avec les partenaires (l’équipe de Soleil a fait venir l’adjoint au Maire en charge de la prévention et de la sécurité pour entendre les jeunes, dans les locaux de l’association; elle a su diriger les jeunes vers des acteurs spécialisés sur le sujet, su introduire les avocats et transmettre le lien de confiance), avec les familles. Elles s’appuient sur ce que leur disent les jeunes pour déterminer la direction à donner à leur action, parfois pour passer le relai à la justice qui elle, seule, décidera des suites à donner. Mais la parole du jeune aura été entendue. Ces jeunes auront eu le droit, accompagnés par l’Association, à exprimer leurs souffrances et à en demander la reconnaissance. Cela fait partie de la mission éducative : apporter aux jeunes, de nouveau, la conviction que leur parole compte comme celle de tout citoyen.
D’après la contribution de Zina Berdous, Directrice, ainsi que de l’ensemble de l’équipe de l’Association Soleil